Willy Glardon, l'homme de la Préfecture, quitte un peu le château
PORTRAIT - Avec le départ à la retraite de Willy Glardon, c'est une page importante de l'histoire de la Préfecture du district de la Broye qui se tourne. Toutefois, l'homme ne sera jamais bien loin du château de Chenaux. Rencontre. Il a des airs de Sean Connery, Willy Glardon, avec son chapeau et son manteau, dans la brume du château de Chenaux. Un monument que le secrétaire de Préfecture va quelque peu quitter après vingt-six ans de bons et loyaux services, ce 31 décembre 2007. Son flegme et son charisme auront marqué trois préfets. «Je l'ai engagé à la Préfecture en 1982» se souvient Pierre Aeby, préfet de l'époque et pourtant pas du même parti. «C?est un gars bien, fiable, un élément solide. Qui n?a jamais compté ses heures. Il ne s?est jamais énervé. Il a un côté rassurant, ça aide pour un préfet. Willy, c?est un peu comme Zubi pour la Nati. Il sait stabiliser une équipe», explique Pierre Aeby. Ce dernier renchérit avec humour: «Il avait le don de faire disparaître mes paquets de cigarettes. Mais si je fumais, lui, il se gavait de chocolat. Je me vengeais en lui cachant ses sucreries». Willy Glardon a donc débuté avec Pierre Aeby, puis Jean-Luc Baechler et maintenant Christophe Chardonnens. «Trois personnalités totalement différentes, mais ça s?est toujours très bien passé», signale-t-il. Au début, le Cugycois s?installe au château après sept années passées comme secrétaire comptable à la Police des étrangers à Fribourg. Manque de moyens En autodidacte, il s?accommode de sa nouvelle fonction qu?il cumule aussi avec la responsabilité de la Recette de district. «Ce qui m?a marqué le plus en arrivant à Estavayer, c?est le manque de moyens. Nous avions deux machines à écrire qui dataient d?avant la dernière guerre, une machine à calculer manuelle pour tout le service et surtout une seule ligne téléphonique pour la Préfecture et l?appartement du préfet». A l?époque, lors de votations ou d?élections, il fallait emprunter la ligne du Registre foncier et tirer des fils depuis les étages. Une époque révolue. «Effectivement, les techniques ont amélioré notre quotidien. Mais imaginez-vous que la correspondance et tous les procès-verbaux étaient réalisés sur ces vieilles machines qui trouaient plus le papier qu?elles n?écrivaient». Autre évolution relevée, la part juridique des affaires traitées par la Préfecture. «Avant, nous avions tous les mois une journée de conciliation. Maintenant, c?est pratiquement chaque semaine. Les plaignants arrivent avec leurs avocats interposés. J?ai toujours eu de la chance d?avoir des préfets juristes, ce qui facilite la tâche. Si on n?est pas à l?intérieur du château, on ne peut pas se rendre compte de tout ça. D?ailleurs, ma remplaçante sera une juriste». Assemblées cocasses Des moments forts et des souvenirs, les registres de Willy Glardon en sont remplis. Il a participé à un nombre calculable d?assemblées en tant que secrétaire de Préfecture. «Il y a en principe six assemblées par année, plus les assemblées extraordinaires, faites le calcul». Des réunions qui ont parfois laissé des souvenirs cocasses. «A Surpierre, devant les communes du district, Pierre Aeby devait faire passer un crédit de 9 millions pour créer les deux homes des Lilas à Domdidier et des Mouettes à Estavayer-le-Lac. Le matin même, il nous informe à la Préfecture qu?il annoncera le projet à 11 millions de francs. Il voulait être prudent et prendre ses avances. Après une assemblée plutôt houleuse, il a fait passer la pilule sans gaîté de c?ur. De quel droit un préfet se permettait-il de rajouter comme ça 2 millions à un projet. Finalement, la construction des deux homes a coûté 20 millions de francs. L?anticipation était donc légitime», sourit Willy Glardon. Dans le même esprit, le préfet Jean-Luc Baechler, lorsqu?il présidait l?agrandissement du Cycle d?orientation de Domdidier, a aussi souhaité, en visionnaire, rajouter quelques classes. «A peine ouvert et c?était déjà trop petit». Ce que Willy Glardon a aimé le plus durant sa carrière c?est le contact avec les gens, avec les communes. «Quand j?ai commencé, il y avait encore 49 communes dans la Broye fribourgeoise (31 aujourd?hui). La Préfecture était chargée de distribuer le matériel de vote dans les contrées. Le parcours du combattant, mais le contact était enrichissant, notamment avec les secrétaires communaux. On prenait la température. Tout cela a été supprimé. Maintenant c?est l?Atelier de la Rosière qui s?occupe de la répartition». Instants tragiques A la Préfecture, il n?y a pas que des bons moments. Ainsi, Willy Glardon garde une trace au plus profond de lui-même, lorsqu?il a dû accompagner plusieurs fois le préfet pour des levées de corps. «Une fois c?était un enfant de 4 ans. Jamais je n?oublierai». Dans le canton de Fribourg, cette tâche incombait aux préfets il y a peu d?années encore. Autre événement tragique dont Willy se souvient très bien. C?est un certain 5 octobre 1994, avec l?affaire de la secte du Temple Solaire à Cheiry. Le drame avait fait 23 victimes. «Le préfet était au service militaire. J?avais donc dû aller sur place dans la nuit. C?était incroyable cette affaire». Carrière politique Passionné par son métier, Willy Glardon a aussi derrière lui une carrière politique plutôt bien remplie. Il a bouclé trois législatures au sein du Conseil communal de Cugy. «Les circonstances ont voulu que je rempile. Fusion oblige, la commune a fonctionné trois mois en administration exceptionnelle. Vu que j?étais à la Préfecture je m?occupais donc du dossier. On m?a sollicité et j?ai accepté de reprendre un poste à l?Exécutif. Il y a eu une période pénible, mais maintenant nous sommes une superéquipe et tout se passe bien», explique le vice-syndic de la commune de Cugy-Vesin. Avant c?était la brousse En un quart de siècle, la Broye a passablement changé. Quel portrait le futur retraité en fait-il? «La Broye bouge. Chaque année c?est une métamorphose. D?ailleurs j?ai une petite anecdote à ce sujet. Il y a une bonne vingtaine d?années, je m?étais rendu dans un établissement bancaire à Lausanne, avec le syndic de l?époque, pour défendre un emprunt important. On essayait de négocier. Le directeur de la banque nous dit: «Il ne faut pas oublier que vous êtes un client à risque (la commune). Pour nous à Lausanne, la Broye c?est la brousse!» Cette remarque m?avait marqué et nous n?avions pas pu réaliser totalement ce que nous souhaitions. Maintenant, ce sont les établissements bancaires qui viennent nous chercher. Comme quoi les choses ont bien changé». Les années Préfectures vont-elles lui manquer? «Je mentirais si je disais que ça ne va pas me manquer. Chaque jour, il y a quelque chose qui se passe dans ce métier. Mais de toute façon je suis toujours dans le circuit avec la commune. Il y a aussi la présidence de l?assemblée des délégués du Grac (Groupement d?adduction d?eau de la crête de Châtillon). Et surtout la responsabilité du Passe-partout Broye. Avec mon comité, nous avons 64 chauffeurs à gérer. Non, je ne vais pas m?ennuyer. D?ailleurs, j?ai déjà refusé des propositions. Et puis, le préfet Christophe Chardonnens me laisse mes accès au château. Suite à une redistribution des locaux, j?aurai toujours mon bureau avec vue sur le lac», se réjouit-il. «En fait, ce qui va me manquer le plus, c?est le contact journalier avec le préfet et les gens du château», renchérit Willy Glardon. Une page importante de la Préfecture «Avec le départ de Willy, c?est une page importante de la Préfecture qui se tourne. Au fil des ans, il a acquis un solide bagage et il connaît toutes les ficelles du district. Il a toujours pris le temps de l?écoute, malgré le stress de la vie. J?ai beaucoup apprécié le travail avec cet homme de qualité. Il va nous manquer», réagit le préfet Christophe Chardonnens, à quelques jours du départ de Willy Glardon.