Sylvain Hirschi, peintre nomade du Vully

A priori, lorsqu?on arrive chez Sylvain Hirschi, assis en tailleur à côté de sa tente, son carnet d?esquisses à la main, en train de tirer les lignes d?un paysage de bord de lac, on a envie de le plaindre.

Non pas que notre homme à la fine barbe châtain, aux cheveux attachés en queue-de-cheval tressée, suscite la compassion, loin de là, mais on a peine à imaginer que de nos jours, on puisse vivre cette vie d?ascète et de nomade.

Car cette vie, Sylvain Hirschi l?a choisie parce qu?elle correspond à son idéal de rester proche de la nature, solitaire tout en vivant modestement de son talent d?artiste peintre sensible, curieux et ouvert à tout ce qui le passionne.

Né à Berne il y a une cinquantaine d?années, dans une famille aisée comptant quatre garçons, il est tombé tout petit sous le charme du Vully et des bords du lac de Morat. Enfant, la famille venait passer ses vacances à Salavaux, d?où cette attirance tenace. Lorsque Sylvain Hirschi a seize ans, c?est l?époque hippie, l?émergence de la culture indienne, les rêves de voyages pour les ados, la liberté. «Vous imaginez bien qu?à cette époque, pris dans le mouvement, on n?a surtout pas envie de travailler dans un cadre rigide qui nous conduirait jusqu?à 65 ans, comme dans des rails», explique tranquillement le quinquagénaire de sa voix aussi douce que son regard, teintée d?un accent traînant.

Un vélo et des pinceaux

Rien d?étonnant dès lors dans son choix de se débrouiller et de vivre seul, avec son vélo, sa boîte de couleurs et ses pinceaux pour compagnons. Il aime les vieux avions, les vieilles pierres et la nature et revient dans la région, à Faoug et Avenches, notamment. Il vit de commandes privées, de travaux de décorations et de peintures murales de grand format, de peintures de sports.

Il apprécie la douceur des paysages et voyage aux Etats-Unis, toujours à vélo, en Italie et au Tessin. Il vit deux ans dans un tipi indien, un an dans une grotte avant d?acquérir la tente qu?il occupe aujourd?hui et lui sert de maison, d?atelier et de galerie d?exposition.

L?intérieur de sa tente est ordré, le soleil et la lune jouent avec les arbres et laissent des ombres chinoises sur la toile, véritable décor naturel. Au centre, un poêle à bois avec la réserve bien rangée, une chaise, un sac de couchage et, sur le pourtour de cette maison de toile, les ?uvres de Sylvain Hirschi, avec des paysages lacustres ou de montagnes, des arbres et la nature, des avions anciens, des peintures cosmiques rondes et, ses récentes réalisations, un triptyque de grandes dimensions de l?Oberland bernois, son deuxième lieu de vie de prédilection, la chute du Staubbach, à Lauterbrunnen, l?Eiger et la Jungfrau. Des toiles qui sont exposées actuellement dans la vitrine du magasinLes Deux, Schlossgasse 12, à Morat, chez André Lüthi, tél. 079 218 77 22.

C?est pas facile tous les jours

Lorsqu?on le laisse parler de son existence de nomade, Sylvain Hirschi reconnaît que ce n?est pas tous les jours facile, surtout à la mauvaise saison, où il ne faut pas se laisser gagner par la tension et le stress. Certes, il vend ses ?uvres en invitant les nombreux promeneurs du bord du lac à visiter son exposition. «Certains achètent, souvent sur un coup de c?ur, séduits par la douceur de ma peinture et ce qu?elle reflète», se réjouit cet artiste attachant.

Il ne se plaint pas de cette situation qui correspond à son choix de vie, à son idéal. Il est heureux et on le ressent à son contact. Heureux de vivre avec sa vieille bécane avec laquelle il a déjà parcouru 75 000 kilomètres en 7 ans. «La vie est un voyage», dit-il, philosophe.

A la fin de ce mois, il devra lever le camp de Praz où il est installé depuis octobre 2009. Il pense qu?il se rendra à Interlaken pour une nouvelle tranche de vie sous tente, avec ses pinceaux, ses couleurs et son vélo. Mais, sa tente, le poêle, et ses toiles seront transportés par un ami, avec une camionnette.

Si vous avez envie de croiser un moment Sylvain Hirschi, voir ses magnifiques tableaux et bavarder avec lui, dépêchez-vous car dès qu?il sera loin, il sera bien difficile de le retrouver autrement que par hasard puisqu?il n?a ni téléphone portable ni adresse postale.

Heureux qu?il est vous dis-je!