Horreurs de la Seconde Guerre mondiale expliquées aux écoliers
HISTOIRE Déporté à 14?ans dans un des pires camps de concentration en Ukraine et évadé?à 16?ans et demi, Sami Sandhaus a raconté les souffrances endurées.
Un silence impressionnant régnait dans la salle du Château, où quelques dizaines d’élèves de 9e?année suivaient le récit de Sami Sandhaus, rescapé d’un camp de la mort en 1941. Ils étaient encadrés d’Eric Martin, directeur de l’établissement, de Jean-Marc Rapin, doyen et de leurs maîtres de classe.
C’est dans le cadre d’un cours d’histoire que la direction du collège a invité cet éminent professeur de chirurgie dentaire lausannois à venir délivrer le témoignage des atrocités qu’il a vécues durant deux ans et demi, alors qu’il avait l’âge de ses auditeurs. «Nous les avons préparés en classe, dans le cadre de l’étude de la Seconde Guerre mondiale», a précisé Gilles Doleyres, professeur.
Coup de projecteur sur le passé
«C’était très prenant d’écouter cet homme de 85?ans retracer cette portion de son adolescence, dans une période que nous n’avons connue qu’au travers de ce que nous en ont dit nos profs d’histoire. Cela nous a beaucoup apporté en termes de vision du passé», a déclaré un trio d’élèves à l’issue de l’exposé.
Sami Sandhaus s’est exprimé, par moments étreint par l’émotion à l’évocation de ses souvenirs pourtant lointains, mais encore si présents dans sa mémoire.
C’est aussi l’occasion pour lui de faire la promotion du livre qu’il a écrit sur ce sujet, intitulé L’éternel combat. L’occasion de retracer par le texte la déportation, la vie dans le camp, les travaux forcés, son évasion et sa chance d’être encore en vie et rescapé d’un des pires camps d’extermination de juifs, à Berschad, en Ukraine. «J’ai écrit ce livre afin de laisser un témoignage à une jeunesse qui ne connaît rien de cette époque, ni de cette région de Bucovine, dans les Carpates, et de ma ville natale de Czernowitz. Ecrire ce récit fut pour moi un effort presque insurmontable mais il était nécessaire de laisser un témoignage des atrocités des nazis, un devoir de survivant et de témoin», a déclaré le conférencier.
Cet ouvrage lui a permis de se reconstruire et de faire en partie le deuil de ces années marquées du sceau de l’horreur. Il relève que les recettes générées par la vente de son livre sont entièrement destinées à une œuvre de bienfaisance.
Sami Sandhaus avait 14?ans lorsque le bruit des bottes nazies a retenti pour la première fois dans les rues de sa ville natale. Ecolier espiègle, insouciant et heureux, passionné de football (il fut un des excellents joueurs du Fortuna Düsseldorf en Bundesliga lors de ses études universitaires), il était loin de s’imaginer ce qu’il allait vivre durant deux ans et demi d’horreur et de souffrances, côtoyant quotidiennement la mort.
La déportation vers le camp de Berschad, plusieurs jours et nuits de voyage, entassés à bord de wagons à bestiaux, dans lesquels 40% des «voyageurs», hommes, femmes et enfants ont péri. La marche forcée, en plein hiver, vers le camp puis les travaux forcés sont relatés dans son livre.
Son credo: volonté, amour et persévérance
Sami Sandhaus a insisté auprès de ses jeunes auditeurs avenchois que c’est grâce à son credo, décliné en volonté, amour et persévérance, qu’il a réussi à endurer ces souffrances et croire en la vie. «Heureusement, je suis de constitution robuste, ce qui m’a aidé, tout comme la part de chance qui m’a habité. Chaque être humain a en lui une force, une volonté, une dose de courage et de persévérance qui permettent de grandes choses», reconnaît Sami Sandhaus.
Son chemin vers la délivrance, il le doit à Lazar, un paysan ukrainien qui l’a caché, lui, sa mère et l’orphelin Beno, leur permettant de s’évader. «Je dois l’avouer, pour réussir notre fuite, j’ai dû voler un cheval et une charrette.» C’est à la fin de la guerre que Sami Sandhaus a pu entreprendre des études universitaires et devenir l’éminent professeur, pionnier en dentisterie restauratrice qu’il est devenu, domicilié en Suisse depuis 1959.
Marqués par son récit, les élèves ont posé de nombreuses questions prouvant leur intérêt pour un tel vécu, qui peut paraître inimaginable.
En conclusion, il leur a dit: «Rappelez-vous que j’étais innocent. Etre un survivant est un curieux état» et, à la question de savoir s’il avait des ressentiments vis-à-vis de ses bourreaux, il répondit: «On n’a pas d’avenir si on vit avec le passé.»