Au final, la région ne débattra pas sur Ikea
ÉCONOMIE Face à l’opposition des autorités cantonales et fédérales, Ikea, surpris d’autant de réticences décide de renoncer à son implantation à Bussy. Le syndic Eric Chassot estime que c’est un gâchis.
Dans un silence politique assourdissant, la Broye tire un trait sur l’implantation du géant du meuble à Bussy. La semaine dernière, le Service des constructions et de l’aménagement (SeCA) a décidé d’une non-entrée en matière sur la mise en zone pour ce projet (voir La Broye du 28 février 2013). Dans son rapport, le SeCA n’y va pas par quatre chemins. Les conclusions du préavis de synthèse d’examen préalable sont catégoriques et atomisent ce dessein, avec l’aval du canton de Vaud et cela sans que le débat ait eu le temps d’arriver sur la place publique.
Le jeudi 28 février, face à l’opposition massive des autorités cantonales et fédérales, Ikea a décidé de jeter l’éponge. «Ikea n’est pas d’accord avec les réserves communiquées. Nous sommes conscients de la complexité du projet. Cependant, tout a été pensé dans les moindres détails et les propositions faites en matière de circulation et d’environnement reposaient également sur des standards élevés», fait remarquer Mark Bloemena (expansion et gestion immobilière d’Ikea) dans un communiqué.
Le syndic de Bussy Eric Chassot est écœuré. Mais l’homme ne se sent pas abattu pour autant et il a bien voulu répondre à nos questions.
– Quelle est votre impression face à cet échec?
– Quel gâchis! Dès le début de ce projet en 2007, nous avons demandé l’avis du SeCA et de la DAEC (Direction de l’aménagement, de l’environnement et des constructions) et à chaque fois la réponse était la même: «Ce sera à la région de décider!»
– Finalement, la région n’a pas eu un mot à dire?
– Hélas. Je n’arrive toujours pas à comprendre comment un service de l’Etat peut décréter une non-entrée en matière sur une demande préalable. Je constate que le pouvoir s’inverse, puisque les services censés présenter des analyses techniques se permettent de tuer un projet parce qu’il ne correspond pas à l’idéologie de ses fonctionnaires. La politique cantonale démontre sa faiblesse en permettant au SeCA de se substituer aux élus et ainsi interdire à toute une région de débattre sur la vision de son avenir et le choix de son économie.
– Dans ce dossier, ne pensez-vous pas que vous l’avez joué trop en solo, sans vous garantir d’appuis politiques?
– Le Conseil communal a souvent pris des positions tranchées sur des dossiers et cela ne nous a pas aidés. Pour Ikea, nous avons essayé de ne pas jouer en solo. Dès le début et à de multiples reprises nous avons essayé d’obtenir l’appui des députés broyards, malheureusement ils se sont faits très discrets sur ce dossier, peut-être en attente des préavis avant de s’exprimer. D’ailleurs la Coreb avait émis un préavis favorable, sous réserve du résultat de la demande préalable. Maintenant que le SeCA lui a coupé l’herbe sous les pieds, on ferme le dossier. J’estime que c’est un dangereux précédent pour la politique régionale. Finalement, c’est une forme de mise sous tutelle de la part des services qui font le ménage avant que les dossiers ne soient traités.
– Quel est l’impact financier pour la commune de Bussy?
– C’est difficile de donner des chiffres exacts. Il y a eu des dépenses tout au long de ces cinq ans et elles ont été intégrées dans les budgets de fonctionnement. Nous avons encore quelques factures à payer, mais on devrait être en dessous de 100?000?francs.
– Qu’allez-vous faire avec cette zone maintenant?
– On a perdu ce dossier, mais effectivement il nous reste ce terrain qui est d’ailleurs inscrit au plan sectoriel des zones d’importance cantonale, depuis près de quinze?ans. Comme on peut le lire dans la presse ces temps-ci, l’économie fribourgeoise manque cruellement de terrains et pour preuve elle exporte ses entreprises sur Vaud. Ce ne sera qu’une question de temps, cette zone est destinée à l’économie c’est certain.
– Optimiste quand même?
– Au moment de nous dire au revoir jeudi dernier, Mark Bloemena m’a dit que si la politique faisait un improbable revirement de sentiment envers ce projet je pouvais sans autre le rappeler, car Ikea cherche toujours une zone pour s’implanter dans la région.