«Nous nâ??avons pas droit à lâ??erreur»

«Ça fait du bien de bosser par chez nous», souffle Christian Jöhr, surtout habitué aux gros déplacements. L?habitant de Delley, 15 ans de maison, s?active sur les bords de la voie, dans la nuit noire, au milieu des projecteurs. Un décor féerique. «C?est un joli métier et, honnêtement, bosser la nuit par des temps pareils, c?est royal. Avec la neige, c?est autre chose», savoure le conducteur de machines ferroviaires. Accompagné d?une trentaine de collègues, le Broyard est depuis huit nuits aux petits soins avec la ligne reliant Palézieux et Moudon (voir ci-contre).

Préparation de longue haleine

«Nous n?avons pas droit à l?erreur, si à 4 h 30, un problème survient, c?est tout le réseau marchandise qui est bloqué», détaille Tristan Murith. Le conducteur de travaux a de la pression sur les épaules, mais n?en laisse rien paraître. «Un chantier, ça se prépare deux ans avant», reprend le citoyen du Mont-sur-Lausanne.

20 h 21, quelques instants après le passage du dernier train de la soirée, la première partie du convoi de travaux débarque, «un peu en avance», avoue Tristan en consultant sa montre. Mais, pas le temps de tergiverser. Les employés présents, tous d?orange vêtus sautent sur les wagons, déplient câbles, tuyaux. La mécanique est rodée. «On attend le déclenchement de la ligne de contact et sa mise à terre», confie le Vaudois, scrutant les traverses.

Et là, attention au vocabulaire technique, car le novice finit vite par y perdre son latin, à jongler avec panneaux, traverses et ballast. «Les panneaux mesurent en moyenne 18 mètres et comptent 30 traverses. Ce soir, nous allons poser 150 traverses», explique notre guide. Ouf! On finit par s?y retrouver!

20 h 40, Tristan nous adresse un «c?est tout bon, on peut y aller. » Satisfait, il nous conduit sur le lieu du chantier, où le passage à niveau a été démonté durant la journée. «De jour, une dizaine de personnes préparent le chantier en fonction des imprévus et le matériel dont on a besoin, c?est le gros du boulot», résume le responsable.

Un travail chronométré

Au loin, le grondement de la locomotive se fait entendre. Le gros engin rouge émerge rapidement des fourrés. La nuit ne sera pas de tout repos pour les riverains. «J?essaie à chaque fois d?établir un contact avec les gens et ça se passe beaucoup mieux», glisse le Vaudois.

Mais, pas le temps de rêvasser. Après un coup d??il sur sa tocante, il poursuit: «En principe, on devrait commencer à creuser à 21 h 15. » La première partie du convoi à peine en place que la seconde débarque déjà. «Le train complet pèse 1000 tonnes», indique Tristan Murith.

Un étrange ballet, alimenté par le bruit des génératrices et des machines, débute alors dans l?obscurité. Des pinces agrippant les rails et d?impressionnantes dents venant remuer le ballast. «On excave totalement la voie, sur 45 cm de profondeur, et nous remettons du ballast à neuf», achève Tristan.